Mythique Wyoming

Une vie inachevée
Mark Spragg traduit par Nicole Hibert
Albin Michel 2005 Gallmeister 2012


La vie inachevée, c’est celle de Griffin, le fils d’Einar qui veuf, vit donc maintenant presque seul dans son ranch délabré du Wyoming. Pas tout à fait seul puisqu’il soigne un vieil ami durement blessé un jour par un grizzly égaré. Ami de toujours ou presque, amitié née dans l’enfer de la guerre qu’ils ont faite ensemble autrefois.
Griff, c’est la fille de Griffin et de Jane, qui a disparu après l’accident qui a couté la vie à Griffin. La petite est inconnue du grand-père jusqu’au jour ou fuyant un petit ami violent, Jane et la gamine viennent se cacher dans les montagnes. Dix ans, et surtout l’habitude de ne pas montrer ce qu’elle pense par sécurité, Griff fait preuve d’une maturité liée à la protection qu’elle tente d’offrir à sa mère qui a hélas très mauvais gout en matière de petit ami.
Mais c’est aussi une enfant dont l’émerveillement devant l’apparition d’une famille, d’un ancrage possible enfin, de la découverte des animaux de la ferme, les chats, le vieux chien, et surtout le cheval, met des étoiles dans les yeux.
Mais la menace rode :  le petit ami abandonné n’a pas dit son dernier mot. Et comme c’est l’Ouest américain, que tout le monde possède fusil ou arme de poing, forcément, la tension risque de se défaire dans le vacarme des coups de feu.
Avec une écriture simple, un talent solide pour la révélation progressive et patiente de la psychologie des personnages, Spragg distille un court roman délicat, fort, une peinture des sentiments cachés autant dans les vieux cœurs perclus de douleur que dans celui d’une fillette forte et fragile à la fois déjà éprouvée par la vie.
Et le sheriff, et le diner, et les Bighorns, et l’odeur du foin et de la poudre brûlée.
Une lecture pleine de force et de charme à la fois. Quel dommage que Spragg ne soit pas davantage traduit en France.

Et c’est là que je vous apprends qu’il existe une adaptation filmée  (disponible sur Netflix) de Une Vie Inachevée… hélas. Le casting est pourtant impeccable, jugez-en : Jennifer Lopez solaire (mais ne l'est-elle pas toujours ?) dans le rôle de Jane, Robert Redford ! en cow boy vieillissant et mal rasé (néanmoins assez craquant), Morgan Freeman dans celui de Mitch, à demi bouffé par un ours et Damian Lewis (souvenez-vous en dans Homeland…) colérique et crédible. Mais il y manque la délicatesse et la subtilité : la petite Griff (Becca Gardner) joue bien, mais comment atteindre la profondeur de son personnage ? Mission impossible.
Bref, on peut adorer le livre et s’offrir quelques images des Bighorns mais l’enthousiasme déclenché par le roman retombe avec le film, honnête sans plus.