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PULL !!
Une "ingénue", un gendarme et deux morts : vive la famille !


Les Lemonnier vivent en province. Blanche, vingt ans, habite encore chez ses parents, pharmaciens d’une petite ville. Une nuit, hébétée, elle appelle les secours. Elle vient de trouver son père et sa mère assassinés dans leur lit.
Son audition à la gendarmerie nous jette dans les souvenirs de Blanche. Sa version lisse d’une banale vie bourgeoise s’avère bien éloignée de la réalité que présente le film.
Les coréalisateurs de ce court-métrage de vingt-cinq minutes se réclament autant de Chabrol, pour l’ambiance et l’image de la bourgeoisie feutrée, que de Haneke pour la violence hors champ, dans l’atmosphère éprouvante d’un huis clos étroit.

Questions aux réalisateurs, Jeanne Desaubry et Max Obione :

Pourquoi tourner cette histoire précisément, dont le moins qu’on puisse dire c’est qu’elle n’a rien d’une bluette ?

Jeanne
 : Des histoires comme celle de Blanche et de sa famille sont loin d’être l’exception. Elles ne se terminent pas toute de la même manière, heureusement. La nouvelle a été écrite il y a presque dix ans (l’ebook est disponible sur tous les sites des libraires en ligne). La famille est un thème inépuisable ainsi qu’une réserve de fictions… Je ne peux pas trop en dire au risque de déflorer le suspense et la réalité dépasse bien souvent la fiction, y compris celle-ci…
Max Obione :
À l’issue de sa formation à l’adaptation cinématographique, Jeanne m’a dit: « Ravalec m’a encouragée à tourner mon scénario ! Je vais le faire ! » Une fois sa volonté exprimée, il lui restait à concrétiser et c’est bien naturellement qu’elle s’est tournée vers son vieux complice d’écriture et d’édition depuis près de 20 ans, et qui opportunément tourne des courts-métrages depuis quelques années. Le sujet d’emblée ne m’emballait pas, une histoire intimiste glauque dénonçant le fonctionnement toxique d’une famille bourgeoise. Mais l’intérêt résidait dans la manière de traiter cette nouvelle adaptée. J’ai accepté naturellement : tout était en place pour un dialogue constructif bien que parfois vif entre nous deux sur les partis à prendre pour traiter cette histoire.
Parlez-nous de Banche, l’héroïne.
J
 : Liz Haïla jouait pour la première fois devant une caméra. Jeune mannequin passionnée de théâtre, elle démontre un talent affirmé au travers du rôle complexe de Blanche. Elle a impressionné toute l’équipe par son professionnalisme.
M : Ce personnage est complexe. Sous la coupe de ses parents malgré ses vingt ans, Blanche subit la situation, jour après jour, nuit après nuit, comprimant comme un ressort sa haine envers ses géniteurs. Il fallait beaucoup de sensibilité ambiguë, de retenue, mais on sent qu’il y a derrière ce masque de fille cassée une autre Blanche quand elle arbore à un moment donné un irrésistible sourire, de même à la fin du film on assiste à sa délivrance joyeuse. Liz offre beaucoup de fraicheur, elle joue une merveilleuse menteuse devant le gendarme, et, au bout du compte, elle incarne une victime définitive des agissements odieux de sa famille.


Et les autres ?
M
 :  Tous mes films ont été tournés au Havre, je fonctionne un peu à la Guédiguian à Marseille (toute proportion gardée, bien sûr) : je veux dire par là que je pratique un cinéma de troupe. Fidèle en amitié, je tourne toujours « en famille » et on retrouve les mêmes acteurs havrais ou rouennais dans presque tous mes films précédents. Par exemple, Vincent Dela, qui campe dans Pull !! un formidable gendarme était Godot dans Bartlebibi. On le voit dans Hier, Bad Game et Petit con. Le grand Claude Soloy et Patrice Lafilé sont fidèles également même s’ils ne soient pas présents dans ce casting resserré. François Guillotte, qui incarne une Madame Sabine irrésistible dans Bartlebibi tient avec brio le rôle du pharmacien de Pull !, un salaud de la pire espèce. Claire Guillon est une petite nouvelle qui joue avec justesse la pharmacienne alcoolo complice des agissements de son mari. Les rôles secondaires et les figurants appartiennent tous à notre cercle rapproché, ce qui a permis une grande complicité alors que le thème traité est dur.

Jeanne, c’est votre première réalisation : pourquoi avoir quitté le clavier ?

: Non, je n’ai pas quitté le clavier. Il est greffé à mes mains… Mais je m’étais déjà pas mal investie dans les dialogues d’abord, puis les scénarios des courts métrages de Max. Il n’y avait qu’un pas que j’ai franchi après une formation à l’adaptation délivrée à la SGDL[1] par Vincent Ravalec. Cette nouvelle m’a paru évidente comme première adaptation, tant pour le thème que pour la trajectoire très forte de la narration. Ensuite, je ne me sentais pas prête pour les aspects techniques de la réalisation, mais Max avait une expérience qu’il a mise au service de cette histoire qu’il trouve très touchante bien que dure.


 

Une coréalisation, ça se passe comment ?
J
 : Il m’est arrivé de penser qu’on ne tournait pas le même film. Max voyait davantage le côté polar du scénario et moi, sans doute plus le versant intimiste. Il a beaucoup apporté à l’idée que je me faisais des images, et je pense que j’ai réussi à le persuader de rester en deçà de son style habituel, plus extraverti. Mais il faut lui poser aussi la question. Pas facile, mais riche.
M :  Comme on a des egos de créateurs assez développés, des tempéraments différents, des expériences diverses, etc. la coréalisation devait inévitablement conduire à quelques frictions qui se résolvaient en général après discussions. Si l’image, le son, le montage était en principal mon domaine, je suis intervenu activement sur le scénario et les dialogues, de la même manière Jeanne est intervenu pour certains cadrages, pour quelques séquences au montage. Pour le choix des musiques également. Tous les deux on se mettait d’accord sur la direction des acteurs, après frottements parfois Je crois que la coréalisation ce sont deux capitaines sur un navire qui doivent choisir un cap pour mener le navire à bon port. À la fin, il y a un choix et peu importe celui duquel ou de laquelle a prévalu, à partir du moment où le résultat final nous satisfait tous les deux.

Donc, Jeanne, c’était votre première expérience au cinéma. Qu’en avez-vous pensé ?


 

C’est une sacrée aventure, avec un boulot de préparation énorme, mais indispensable. J’ai adoré rencontrer les gens au moment des repérages, par exemple. La disponibilité du pharmacien dans l’officine duquel on tourne au début, puis l’adorable gentillesse des Cosnefroy, au ball-trap de Pirou m’ont vraiment ravie. Quant au jeune Noam Cosnefroy, conseiller technique pour le maniement des armes, c’est une rencontre inoubliable. La direction d’acteur est aussi une expérience fascinante.
L’expérience du montage est une surprise. C’est vraiment un acte de création en tant que tel. J’ai assisté Max dans ses choix, et notre collaboration, si elle n’était pas technique pour ma part, m’a beaucoup apportée. J’ai la faiblesse de penser que notre film est une vraie réussite. En tout cas, le résultat me ravit. J’espère qu’il touchera les spectateurs. Je sais qu’il peut déclencher des réactions fortes d’indignation, mais c’est aussi l’objectif.

Max, vous faites quel bilan de votre côté ?

M
 :  Je n’ai pas fait d’école de cinéma, mon école ce sont des milliers de films que j’ai vu depuis ma jeunesse lointaine. J’apprends tous les jours. Jeanne m’a fait comprendre que la préproduction précise, documentée, et chiffrée était indispensable, alors qu’auparavant ma pratique était plutôt jemenfoutesque. Le tournage c’est quelques jours d’une aventure humaine et d’amitié. Les aléas du tournage pimentent les nombreuses anecdotes. Il est important que le photographe de plateau archive tous ces moments. Je dois aussi souligner l’originalité de la musique d’Abel Miserey, mon petit fils. Ma passion est toujours en éveil, je travaille sur mon prochain court. Pull ! va vivre sa vie, difficile due à la diffusion problématique des courts-métrage., Nous espérons qu’il rencontrera son public dans les festivals et pourquoi pas en streaming etc. On annonce déjà sa projection au cinéma le Studio lors du Festival Polar à la Plage (Le Havre). Yeah !


 

 

[1] Société des Gens de Lettres

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