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shangai-connexion.jpgShangai Connexion

Romain Slocombe

Fayard noir, 2012

 

Ah, ce Gilbert Woodbrooke ! Gaffeur, paranoïaque, hypocondriaque, obsédé sexuel, nul en affaire, velléitaire… On pourrait continuer la liste, le bonhomme est tellement misérable que c’en est un bonheur. Au moins le lecteur peut-il se consoler de ses propres insuffisances en méprisant ce pauvre Gilbert.

Gilbert, bien qu’Anglais, n’est pas né dans un chou. Non, non. Il a des parents, et même, des grands-parents.

Slocombe, avec une grande habileté va nous projeter dans le passé familial de son héros. Gordon, le grand –père est journaliste,  illustre correspondant pour le Dayly Herald. Après avoir rencontré Adolphe Hitler, chef de parti politique encore minoritaire, il se rend à Tokyo pour y observer le conflit avec la Chine, et l’annonce programmée de celui avec l’Amérique. Ses reportages le mènent ensuite à Shangaï où il finira emprisonné et torturé par les autorités nipponnes, accusé d’espionnage.

Mais Shangai connexion, c’est aussi le titre d’un fil de Julius B Hacker, personnages que les lecteurs de Lolita Complex ou Sexy New York connaissent bien. Ce film raconte, au travers du témoignage d’un survivant, les infinies tribulations de plusieurs milliers de juifs qui tentent d’échapper au sort qui les attend en Allemagne ou en Pologne en tentant de rejoindre la Chine. Sclocombe transcrit ce témoignage, qu’il intercale avec les aventures calamiteuses, forcément, de Woobbrooke et le live de souvenir de son grand père.

Mais on en n’en a pas fini avec les collages et les allers-retours historiques puisqu’après les mémoires de son grand père, il découvre le livre qu’a écrit la jeune résistante française qui devait devenir la seconde épouse de celui-ci..

Le combat terrifiant contre l’armée allemande, les exécutions d’otages dans un Lyon étouffé sous le joug allemand, la torture, la déportation. Sans compter l’entrée en lice d’un étrange détournement de l’affaire Dominici comme point final à l’histoire de la famille Woodbrooke.

La gravité de ces témoignages, leur support historique, juxtaposés à la loufoquerie misérabiliste de Woodbrooke composent un roman collage étrange, grave et ridicule, pesant et léger, drôle et dramatique, articulé autour de la mémoire et de ses multiples supports. Ne pas oublier est le mot d’ordre.

Romain Slocombe, qui n’hésite pas à se mettre ici lui-même en scène dans une critique acide de ses propres œuvres photographiques, livre un roman riche, étrange, puissant, dont la thématique rejoint celle de Monsieur le Commandant, roman paru l’an dernier, qui avait figuré sur la liste des Goncourables.

Riche en informations historiques, le devoir de mémoire selon Romain Slocombe se trouve pétri de sa culture, aux confins de ses origines mélangées : anglaise et juive, française, marquées par de nombreuses années au Japon. Un mélange étonnant, assumé, qui donne à sa voix un ton unique.

 

Tag(s) : #critiques
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