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Qui après nous vivrez
Hervé Le Corre

Éditions Rivages / Noir 2024

Pendant 400 pages, vous allez suivre, dans un tourbillon parfois troublant dans ses allers-retours, quatre générations de femmes. Rebecca, la grand-mère qui en 2075 voit le grand shutdown se produire, Alice, sa fille, rare bébé dans une natalité en chute, Nour, sa petite-fille dont la naissance reste mystérieuse, et Clara, enfin, enfant de Nour, dans un monde qui en cent ans, à peu de choses près, est revenu au Moyen Âge. Une lignée de femmes.
Les pandémies ont éradiqué une grande partie de la population. L’effondrement de la production d’électricité, le réchauffement climatique intense qui a entrainé d’immenses incendies, et la bêtise, la sauvagerie, l’avidité humaine ordinaire, ont entrainé les derniers humains dans des conditions de survie cumulant insécurité, faim, et peur constantes.
Les personnages, même les plus attachants, finissent mal. On attrape ici ou là, dans les générations d’après la chute, la question : mais puisqu’ils savaient, pourquoi n’ont-ils rien fait ? Avec une insistance douloureuse…
Ce futur terrifiant, que Le Corre nous offre plein de suspens, d’aventures, de rebondissements, est devenu obsédant dans une conjoncture toujours plus sombre : la  nouvelle de la baisse brutale de la natalité en France, alors que je venais de finir ma lecture, m’a collé des frissons d’effroi. Il me reste à souhaiter qu’il s’agisse d’une fiction de fantaisie, et que rien de tout ça n'arrivera ni ne me guette : les communautés où l’on vend les femmes esclavagisées, où l’on viole les fillettes, celles où on se mange, où l’on chasse l’humain, qu’on le traque comme un gibier pratique, celles où on tente en vain d’échapper au destin du déclin…. Sachant que c’est ce déni qui est à l’origine de l’inévitable et définitif collapsus.
Il faudrait les attacher, tous : les climatosceptiques intellectuellement paresseux, les pauvres en imagination, tous les lobbyistes en plein labeur à Davos, nos dirigeants et Donald Trump. Ensuite, leur hurler le bouquin dans les oreilles. « C’est ça que vous voulez ? ». Le pire ? Ils ne répondraient pas. Même persuadés que ce suspens apocalyptique est juste, ils se persuaderaient qu’ils seront, eux, à l’abri. Mais que faut-il pour qu’ils comprennent ?
J’observe ces derniers temps que le monde du « noir » réagit fortement aux menaces existentielles. Il y a ce recueil par lequel 68 auteurs(dont je suis modestement) crient STOP , à la Manufacture de livres. Il y a ce jeunesse, de Marin Ledun, Le Projet Hakana… Je ne suis pas seule à suivre ces sentiers balisés par l’écoanxiété…
Intelligent dans sa construction, convaincant dans son analyse, les pages pleines de personnages attachants, Qui après nous vivrez est un roman qui ne peut pas laisser indifférent. Alors, polar, pas polar… Je ne peux ni ne veux trancher. Le suspens est là, l’aventure est là, mais de policiers : point. Ils ont disparu, avalés par la fin. Pour les meurtres… ça ne manque pas.
Pour tout vous dire : je m’en vais le relire de ce pas. Histoire de continuer à me faire peur.

 

Tag(s) : #critiques, #polar français
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