L'Art est dans la manière

True Story
Kate Reed Petty traduite par Jacques Mailhos
Editions Gallmeister 2020

Oui, c’est une vieillerie, ou plutôt, oui, c’est un livre paru il y a deux ans. Pas une actualité ou mieux, une sortie à venir. Pas non plus une vieillerie élégamment qualifiée de classique. Non, c’est le pire, un truc sans intérêt, dont on a parlé à sa sortie et qui prend dorénavant la poussière dans les bouquineries voire même déjà passé au pilon.
Et pourtant, alors qu’il m’est arrivé par des voies tortueuses, je ne puis pas ne pas vous en parler à mon tour, même très en retard : -attention double négation, c’est le risque de perdre, à peine entamée cette chronique, la moitié des fidèles lecteurs de mon blog-…
Donc, le roman commence de manière hyper américaine, si j’osais. À la façon de ces mauvaises séries pour teenagers, les « séries collèges »  qu’on a le droit de fuir…  Un adolescent plein des tourments de son âge, appartenant à l’équipe de crosse de son école, raconte ses désarrois amoureux. Ou selon comment on les voit… hormonaux.
Une adolescente mal dans sa peau boit trop, tombe dans les vapes dans la voiture qui la ramène d’une soirée et deux idiots se vantent d’en avoir profité pendant son sommeil.
Cet événement va être fondateur dans la vie de chacun des protagonistes. La fille, Alice, son amie Haley, devenues l’une écrivain et l’autre cinéaste, le joueur de crosse et d’autres personnages verront ce moment comme celui qui détermine toute leur existence.
L’intéressant dans ce roman, ce sont tous les romans qu’il contient. Et comment on y accède par la grâce du style. Oui ce gros mot qui fait parfois fuir le lecteur avide d’aventures faciles, façon thriller. Et il va falloir être attentif, curieux, accepter de se faire balader avant, tout à la fin, de retomber sur le souvenir de la scène initiale, après un passage par une séquestration, une tentative de suicide, le naufrage dans l’alcool, un embryon d’enquête et bien d’autres galères rencontrées par les uns et les autres Et oui, parfois, accepter ce qui parait d’abord digression, voire balade inutile… car cela vous guide insidieusement vers un autre niveau de vérité.
De ce livre je retiens qu’un premier roman peut être une réussite pleine de surprises même pour un lecteur qui en a lu bien d’autres. On a tout dit, tout écrit, oui, mais comment ? L’art est dans la manière. Et ici, il est aussi dans la révélation…
Combien de fois avez-vous terminé un excellent suspens pour vous dire : « Tout ça pour ça ? » J’en fais la promesse ici, cher lecteur : vous n’oublierez pas cette chute-là. Combien cruelle, actuelle, et qui donne à réfléchir… Mais chut ! Je ne veux pas dévoiler…