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Toute la Violence des Hommes
Paul Colize

Éditions Hervé Chopin 2020


Nikola Stankovic est un taiseux : du genre qui ne parle pas quand il n’a rien à dire, et pire, qui ne parle pas même quand il pourrait dire pourquoi il n’est pas coupable. Ce qui devient dramatique quand on est soupçonné du meurtre de sang-froid d’une jeune femme déterminée.
D’ailleurs, est-il, n’est-il pas ? Le lecteur va se trouver baladé entre ces deux affirmations, quand bien même tout est mis en place pour faire de ce jeune croate un personnage auquel le lecteur ne peut que s’identifier, tant son histoire est un condensé de malheur contemporain.
Vukovar : un siège de plus de quatre-vingt-dix jours, des exactions horribles, des civils sous les bombardements, des familles séparées par la mort et un traumatisme définitif pour tous ceux qui ont survécu. Car après la faim, la peur, la maladie, la mort des proches, il a fallu survivre. Alors quand on vit ça à huit ans, on en est marqué à jamais.
1991, pas si vieux : c’était l’époque ou l’Europe fermait les yeux sur ce qui passait à ses propres frontières, couvrant dirigeants et citoyens d’une honte tenace. Comment trente ans plus tard la même Europe peut-elle récidiver en laissant mourir de froid des enfants au pied d’un mur est hélas une autre histoire qui montre assez qu’on ne parlera jamais assez des erreurs passées : l’espoir est tenace, bien que probablement vain, que l’histoire apprenne ses leçons à des peuples sourds et aveugles.
Pour en revenir à notre héros, ses déboires émergent alors que la ville de Bruxelles s’est couverte de fresque de street-art immenses, d’une étonnante violence, cependant belles, reproduisant des fragments d’œuvres classiques, réalisées par un artiste prenant des risques insensés.
Comme on n’est pas chez les Bisounours, avec Colize, il n’y a pas que des personnages sympathiques et aimables. Les méchants sont tout aussi convaincants que les meilleurs, qui parfois donnent des signes de fatigue bien humaine. Et parfois aussi, donc, ne se conduisent pas absolument parfaitement.
Un avocat, un psychiatre, un supposé coupable qui peine à s’ouvrir tant la violence a imprégné son existence morale et affective, font tout le sel de ce roman, mené comme d’habitude avec une grande rigueur. Si c’était un film, on dirait que le montage au cordeau fait palpiter le cœur des spectateurs. Très visuel, et comme d’habitude avec Paul Colize parfaitement documenté, ce roman est touchant parce qu’il rappelle, sans cependant jamais faire la morale, ce qui ne devrait jamais s’oublier : héberger des criminels de guerre, faire l’impasse sur la justice due aux victimes est impardonnable.

Tag(s) : #critiques
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