Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Un Pays Obscur
Alain Claret

La Manufacture de Livres 2018

Thomas, sans réelle attache, court le monde. Il est reporter, ce qu’il est convenu d’appeler journaliste de guerre. En Lybie, il croise Tom qui meurt sous ses yeux, caméra à la main. Séquestré par Daesch, Thomas développe des hallucinations : il parle à son père, mort juste avant son départ, à Tom. Et aussi à Ripley, oui, celui que vous connaissez, le héros récurrent de Patricia Highsmith.
Son retour est difficile. La ré acclimatation est même si laborieuse qu’il file se terrer dans la maison de son père, demeure ancienne posée à l’orée des bois.
Thomas cuisine (hmm, cette recette de bourguignon sur la cuisinière au bois), ouvre des bouteilles d’anthologie, essaie d’écrire la légende de Tom. Celui-ci est-il l’homme auquel il s’est attaché en quelques jours passés ensemble dans les rangs des rebelles, en plein désert, au milieu de la folie meurtrière de la guerre, ou bien l’espion que certains prétendent ?
Thomas a ramené ses fantômes avec lui, ils l’accompagnent, l’habitent, lui et sa maison.
Thomas est-il fou ? Lui qui ne fait plus guère de distinguo entre morts et vivants, qui se défient des seconds plus que des premiers ? Mais la vie, ou bien la mort ? le rattrape dans cette maison aux pierres anciennes. La disparition de la fille d’un amour ancien, retrouvé miraculeusement, des jeunes femmes au maquillage violent hantant les allées des bois, la méfiance des uns, la surveillance des autres… Thomas a été trop déstabilisé par sa captivité pour supporter sans dommage cette avalanche de faits.
Plus que l’intrigue, que Claret s’amuse à brouiller tout du long, c’est le climat qui mérite toute l’attention du lecteur dans ce magnifique roman. Les références littéraires, culinaires, œnologiques, les descriptions d’une forêt mystérieuse habitée par des bêtes altières, rendent bien falot des personnages secondaires dont on ne relève que la médiocrité ou la petitesse.
L’amour habite ces lignes, celui de la nature, celui de la littérature, et Claret répète inlassablement cette question de Woodward : « Avons-nous fait notre boulot ? ». On sent bien que Claret crie que non, que l’exposé de la beauté comme de la laideur, finalement, ne sert à rien, et que l’homme (et la femme donc…) reste terriblement seul au monde.
C’est un beau, un grand livre, surprenant, plein de force, dont le style réjouira les amoureux de la langue et qui se joue des conventions.

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :