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My Absolute Darling
Gabriel Tallent
traduit par Laura Derajinsky
Gallmeister 2018 Coll Americana

Juliana, que son père appelle Croquette ou bien poufiasse ou encore connasse, qui elle-même se désigne comme Turtle, a 14 ans au début de cette histoire. Elle se décrit comme absolument laide, maigre, moche, mais ne se voit pas au travers des yeux des autres qu’elle fascine. Farouche, elle vit auprès d’un cinglé de père survivaliste qui lui fait porter ses armes jour et nuit. Ainsi est-elle déjà propriétaire de son propre Sig Sauer, d’un fusil de chasse, et d’un couteau offert, lui, par un grand-père alcoolique. Ces trois là vivent non loin de Mendocino, (Californie du Nord) : le père et la fille dans la maison dont le sous sol est bardé de nourriture lyophilisée,  d’armes et de munition. Le grand père dans un mobile home décati. Les araignées, insectes divers et champignons variés colonisent la maison.
Si encore c’était le plus malsain de ce qui se passe entre les murs en séquoia brut…
Dans la tête de Turtle, tout est mélangé, contrasté, confus, douloureux. Elle aime ce père abuseur et violent, ne saurait vivre autrement que dans sa proximité immédiate. Pourtant elle ne va commencer à vivre et à se découvrir elle-même que lors d’une longue disparition paternelle.
On est au cœur, en plein cœur du sujet le plus douloureux qui soit. Avec une intensité incroyable, Tallent plonge le lecteur dans l’intériorité de Turtle dans ses hésitations, ses tourments, son désespoir abrasif et sa solitude dévastatrice.
Il règne ici un climat de terrible violence, en action ou rentrée. Et compte tenu de la présence constante d’armes de toutes sortes, on sait dès les premières pages qu’il y aura des morts. On pense dès les premières pages que Juliana va tuer quelqu’un, sans doute son père. Et puis non, et puis oui et enfin… non, je ne spoile pas.
Plongée au cœur de la forêt, dans les plantes, les animaux et la vie sauvages, My Absolute Darling est aussi et surtout une plongée terrifiante dans une psyché profondément marquée par un destin hélas pas si rare. Victime, bien que bardée de calibres divers qu’elle passe sont temps à fourbir, Juliana réussira–t- elle à s’émanciper ? ou bien Barbe Bleue achèvera-t-il son œuvre destructrice en la tuant le premier ? Petit à petit cette crainte s’affirme et les retours vers l’amour de cette enfant bousillée ne sont pas le moins déchirant du roman. Effroi garanti.
Le propos de cette œuvre est magnifiquement servi par un style tellement ciselé, et poli, qu’on ne rend même plus compte que les césures, les silences, les allers retours contradictoires vous si peu de choses près) parfaite  et l’on s’interroge : sera-t-il possible à Tallent d’écrire un second roman aussi fort ?
On avait un peu soupé des romans déjantés à l’intrigue se déroulant  dans une Amérique manipulent, vous empoignent et vous balancent dans un état rare de fascination. My Absolute Darling est une réussite (à profondément raciste, religieuse, dingue en un mot. De la répétition des cinglés haïssant à la fois les barbus islamiste et le gouvernement américain. Tallent, bien que ne déméritant pas de ce courant noir rural américain, le déplace, le magnifie, et lui donne une nouvelle envergure.
Ah, quel dommage, l’avoir terminé est une souffrance qui ne se pourra consoler qu’en convaincant le maximum de lecteurs de se ruer instantanément dans ses pages.


 

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