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Trouver l’Enfant
Rene Denfeld
traduite par Pierre Bondil
Rivages noir 2020


Naomi, longtemps sans nom de famille, est « Celle qui trouve les enfants ». Celle vers qui se tournent les parents désespérés quand les recherches classiques ont échoué et que face à la terrible obscurité de l’absence, ils continuent à refuser la disparition de l’enfant aimé.
Dans Trouver l’Enfant, Naomi part à la recherche de Madison, disparue trois années auparavant, à l’âge de sept ans. Au cœur de l’hiver, dans les montagnes de l’Oregon, plus d’un randonneur aguerri et bien équipé est mort dans une congère ou la crevasse d’un glacier. Sans âme, mais non sans beauté, la nature y est impitoyable.
Les chances de retrouver Madison sont clairement nulles. Pourtant Naomi se met en recherche, rencontrant absolument tous les habitants de cette région à la sauvagerie sans âge.
Il est bien rare que le chagrin gagne le lecteur comme il le fait dans ce roman. Se projeter comme enfant ? Comme enquêtrice, comme mère déchirée ? Tous les choix sont d’une violence terrible, d’autant qu’avec une habileté diabolique Rene Denfeld fait parler une enfant : « La fille de la Neige », dont le destin effroyable, bien que narré par le menu, est nuancé par une pudeur stupéfiante. On n’ignore rien, et pourtant rien n’est décrit.
Qui est cet enfant qui se raconte ? Naomi elle-même autrefois ? La petite Madison ?.. Suspense dans le suspense.
Trouver l’Enfant est à la fois une histoire de multiples résiliences, un suspense haletant et une description amoureuse de la nature. C’est un roman aux richesses enchâssées les unes dans les autres, profondément émouvant. Quel parent ne s’est jamais interrogé sur le sort de ces enfants disparus, séquestrés ? Quelle mère n’a pas été terrifiée par les violences réservées par des détraqués à des êtres sans défense et chéris ? Trouver L’Enfant offre des réponses étonnantes, jamais racoleuses, fortes. Sans aucune facilité. Et puis, terrible, poignant, voir l’abusé d’hier devenir abuseur à son tour, en farce tragique du destin.
C’est une réussite totale qui m’a profondément émue, et dont la construction est une réelle prouesse.

Rivages mène une opération inhabituelle de parution simultanée du premier opus d’une série avec le premier opus en poche et le deuxième en grand format.

La Fille aux Papillons
Rene Denfeld traduite par Pierre Bondil
Rivages Noir 2020

Naomi, dont on connait à présent l’histoire, met toute autre activité en sommeil. La voici décidée à partir à la recherche de sa sœur, enlevée autrefois en même temps qu’elle, séquestrée en sa compagnie de longues années, mais qu’elle a perdu au cours de leur évasion.
Vingt ans après, retrouver des traces d’une enfant disparue est-il illusoire ? Qui plus est, sans savoir quel adulte elle a pu devenir ? On ne croit guère aux chances de Naomi qui cependant ne s’arrête devant aucun difficulté, quitte à se mettre moralement et amoureusement en danger.
En même temps, dans les rues de Portland, des enfants fugueurs, vivant de larcins, de mendicité et de prostitution l’émeuvent profondément. Célia, la Fille aux Papillons, sera-t-elle la prochaine victime de l’ogre qui sévit, enlevant et tuant des gamines abandonnées de tous ?
La société américaine est décrite ici sans concession dans sa capacité d’abandon des plus démunis. Des êtres lumineux passent aussi cependant, prouvant qu’il existe des richesses morales inattendues et consolantes.

Bien construit, riche en rebondissements, touchant dans son empathie à l’égard des jeunes dérivant dans la nuit de la pauvreté, La Fille aux Papillons ne porte pourtant pas la même charge émotionnelle. C’est un « bon » roman, aux héroïnes touchantes, mais peut-être légèrement moins réussi que le premier de la série. La grâce ineffable du premier s’est évaporée. Son suspense impeccable réjouira pourtant les amoureux de thrillers tandis que la description sans concession de la pauvreté dans les rues de Portland fera réfléchir les autres, amateurs du « noir ».
Dans la mesure où il s’agit d’une suite à l’opus précédant, il faut s’y attacher, tant suivre Naomi « Celle qui trouve les enfants » présente de fraicheur et d’originalité parmi les histoires classiques d’enquêteurs.

Tag(s) : #critiques
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