Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

De bonnes raisons de mourir
Morgan Audic

Albin Michel 2019
(version numérique disponible actuellement à 5.99€)

 


Quel dommage cette quatrième inutilement racoleuse qui commence par « Un cadavre atrocement mutilé suspendu à un bâtiment ... » alors que le reste du roman s’avère nettement plus subtil.
OK, le lecteur amateur de thriller aura son content de personnages tordus, de meurtres crapoteux... décapitation et j’en passe, mais le contexte donne une toute autre dimension à ces passages convenus des thrillers de tête de gondole.
Les meurtres se produisent en effet, au départ en tout cas, dans la ville de Pripiat. Mais si, vous connaissez : c’est la ville située à deux kilomètres de Tchernobyl, qui a été évacuée en quelques heures le lendemain de l’explosion de la centrale nucléaire. Les spectateurs qui auront suivi la série Tchernobyl produite par HBO visualisent bien...(série que je me permets de recommander au passage).
Près de cinquante mille habitants, jeunes pour la plupart, peuplaient cette « ville atomique » gloire de la société pan soviétique... Il n’en reste aujourd’hui que des ruines, hautement contaminées, autour de et dans laquelle la nature reprend lentement ses droits. En ce mois d’avril 2020, les forets voisines brûlent dangereusement, avec le risque de balancer de nouveau du césium 137dans l’atmosphère, mais c’est une autre histoire qui nous éloigne du roman. Encore que... dans les pages de De bonnes raisons de mourir, on trouve aussi des gamins irresponsables qui vont se balader dans la zone d’exclusion par désœuvrement. Revenons-y donc.
En 1986, le jour de l’explosion, deux femmes sont assassinées. C’est le fils de l’une d’elles que des touristes visitant Pripiat (eh oui, ça existe...)  retrouvent à la fois écartelé et empaillé...
Rybalko, le héros du roman, est à la fois russe et métis, ce qui complique un peu son travail de policier. Il est, figure convenue, alcoolique, divorcé, père désespéré d’une fillette handicapée... et en fin de vie, sous le coup de la nouvelle d’un cancer galopant qui le dévore rapidement. Aussi accepte-t-il la proposition du géniteur de la première victime, un mafieux riche à millions, de se rendre en zone d’exclusion – les trente kilomètres entourant l’ancienne centrale nucléaire – pour enquêter, trouver le coupable... et l’abattre. Dusse-t-il en crever lui-même.  Le mafieux s’engage à verser une coquette somme en compensation à sa fille.
Bien sûr, agissant en free-lance sur ce coup-là, Rybalko va jouer au chat et à la souris avec Melnyk, policier local qui parait lourdaud, mais dont l’entêtement, la conscience et l’intelligence feront avancer l’affaire. Pauvre Melnyk que sa femme oblige à se mettre à poil sur le palier quand il rentre chez lui et ne l’approche pas tant qu’il n’a pas pris la douche sensée le débarrasser des particules qu’il ramène à Kiev.
Ce roman, c’est l’occasion d’évoquer aussi la guerre du Donbass qui s’éteint lentement, dont tout le monde se contrefout parce que Poutine en a décidé ainsi. De percevoir aussi la pauvreté des Ukrainiens qui ne vivent guère mieux qu’avant la chute du mur. Ainsi le fils de Melnyk, qui dans les troupes régulières ukrainiennes ne possède même pas de gilet pare-balle...
Malgré les critiques sur la figure imposée du thriller, il faut reconnaitre que l’épaisseur des personnages, le contexte et le rythme, l’aptitude de Morgan Audic à ficeler un bon suspens, font de De bonnes raisons de mourir une lecture prenante dont certains aspects restent en mémoire. Et en cette période, changer d’ennemi invisible, ce n’est pas plus mal, même si c’est te temps de la lecture d’un roman.

 

Tag(s) : #critiques
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :