
Opus 77
Alexis Ragougneau
Viviane Hamy 2019
Ariane, magnifique et talentueuse pianiste, a su faire de chaque concert un événement. Mais à quel prix ? Sa piètre mémoire lui cause de terribles sueurs avant l’entrée en scène et le long moment de silence qu’elle impose à la salle comble effacée par les projecteurs lui sert surtout à calmer sa terreur d’avoir tout oublié. Jusqu’à présent, elle a pu surmonter cette angoisse. Elle avance néanmoins dans sa vie d’artiste en funambule, assurée de tomber du fil sur lequel elle danse. Elle tombera, elle le sait. Quand ? Elle l’ignore. Ce qui lui parait certain, c’est que son succès tient autant à sa rousseur diaphane et au nom de son père qu’à son talent. La presse, les photos, l’agent… Elle hait toutes les simagrées de la notoriété.
Quand son père, célèbre chef d’orchestre, agonise, elle se rend auprès de lui et retrouve avec acuité les souvenirs d’une enfance tournant autour de ces obsessions : notoriété, et musique.
Alexis Ragougneau met alors en place, avec une écriture élégante et concise, la reconstruction d’une enfance partagée avec un frère prodige, violoniste naturel et talentueux, qui, un jour, va tout abandonner pour s’enfermer dans un bunker dans lequel règne le plus absolu des silences. Au passage, Ragougneau égratigne sérieusement le mythe des enfants prodiges, bien souvent sacrifiés à la gloire de leurs maîtres.
C’est toute une construction littéraire savante, habile qui sait s’effacer pour construire un texte poignant sur les relations d’amour impossible au sein des familles, sur l’obsession du succès, sur amour et désamour, sur le lien sœur-frère et la musique, partout la musique.
Pas un polar certes, mais un suspens indéniable, qui se développe comme un aria poignant et le personnage d’Ariane reste en mémoire longtemps après avoir refermé un livre qui donne envie d’écouter Chostakovitch.