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Nulle Part sur la Terre
Michael Farris Smith
traduit par Pierre Demarty
Sonatine Editions 2017

Roman contemporain, mais qu’on pourrait situer à n’importe quel moment de notre siècle ou du précédent en remontant jusqu’aux années 70, Nulle Part sur la Terre est l’un des romans forts de cette année.
Maben avance dans la vie, enfoncée jusqu’au cou dans la fange, sauvée de celle-ci par son amour pour Annalee, sa fillette, cinq ans. Avec qui l’a-t-elle eu ? Elle ne sait plus trop et peu importe. Errantes sur les routes du Sud des Etats-Unis, dans le plus affreux des dénuements, les voici qui reviennent vers la ville natale de Maben. Pour quelle raison ? Pourquoi là plutôt qu’ailleurs ?  Peut-être parce que là est né le malheur de Maden quand fugitivement, vers ses seize ans, elle a cru que le monde pouvait lui offrir un peu de douceur ?
Russel,  lui aussi, revient dans sa cité d’origine après onze années de pénitencier. Pas un mauvais bougre, ce Russel, juste un gars qui a trop picolé un soir et a joué de malchance. L’inévitable accident de voiture a détruit son avenir et la vie d’un ado dont le plus grand tort était d’appartenir à une famille de cinglés.
On est dans la noirceur la plus absolue, celle du Sud profond. Pauvreté, matérielle et intellectuelle, alcoolisme, désespoir, impossibilité à communiquer et à se faire part de ses sentiments. Même les bonnes intentions ne peuvent mener qu’aux catastrophes. Le lecteur avance dans les lignes du roman comme en terrain miné, la tête rentrée dans les épaules, incapable de croire à la rédemption de l’un, ou à la chance de l’autre, et pourtant…
Michael Farris Smith manie une lange simple, débarrassée de toute pause, d’effet facile ou de surenchère d’épithète. Une langue âpre, forte, sans chichi, mise par l’auteur au service d’une intrigue subtile. Le thème de la rédemption, du retour impossible, s’enroule comme une plante grimpante du Mississipi au long des trois cent cinquante pages. Il fait très chaud, les âmes sont souvent bien sombres, et pourtant surnage une lueur du couchant sur l’eau. Un souvenir de la belle journée qui a été. Ou bien qui aurait pu être.
Farris Smith signe là son second roman, noir celui-ci. Le premier roman portait l’étiquette de « post apocalyptique » : Une Pluie sans Fin, dans lequel il exerçait sa plume : situations, intrigues, dialogues, personnages, tout était déjà présent en promesses fortes.  Nulle part sur la Terre a été une très intéressante découverte. J’ai retrouvé, d’une certaine manière, la noirceur sans concession d’un Cormac Maccarty, les qualités d’évocation du Sud d’un James Lee Burke, le désespoir hargneux de Jon Bassof.
Qualité de l’intrigue, qui distille son mystère à petites portions savamment dosées, épaisseur des personnages, rugosité des dialogues. Que demander de plus ? Un autre roman, tout simplement. Dépêche-toi M Farris Smith.

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