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La plume et le gilet pare-balles

I Cursini
Alix Den
iger
Série Noire Gallimard 2012

Le Cursinu, la préface de l’auteur nous en avertit, est un chien de race corse, docile, obéissant, calme… ¨Pourquoi alors ne puis-je m’empêcher de voir dans le titre l’incarnation de la bande de Pétru ? Jeunes chiens fous, agités, dangereux car avides et sans chef, sans cadre, sans espoir aussi.

Le roman tout entier se présente comme une coupe longitudinale de la Corse, façon étude géologique.

Dans un premier temps les « natios » tels que présentés, et qui paraissent bien inoffensifs. Une bombinette par-ci, par-là… rien de bien méchant. Mais parfois, les bombinettes tuent, essentiellement ceux qui les manipulent. C’est là qu’apparaît ce mot étrange, à double tranchant, à sens multiples : manipuler.
Après les nationalistes (les clandestins, les officiels) , apparaissent les voyous, qui empiètent sur les ressources de « l’impôt révolutionnaire ». Il faut alors, pour calmer le jeu, rien moins que l’intervention d’un niveau supplémentaire dans la hiérarchie : les chefs de clans…

On reste au départ dans l’anecdote folklorique. Cela change quand des lance-roquettes apparaissent dans le paysage, manipulé par de jeunes fous dévalant le toboggan irrépressible de la violence. Certes, leur désœuvrement les condamnait à quelques bêtises, mais les plus âgés qui refusent de poser les armes alors que le mouvement s’essouffle sont bien plus responsables, car ce sont eux qui ont enclenché ce processus de la violence.
On pourrait croire que dans tout ça les flics font de la figuration. Les gendarmes ferment soigneusement les casernes, le préfet fait surveiller son jardin, un mitraillage de temps en temps, une balle perdue qui fait des trous dans le ciment… Sans compter le défilé continuel de diverses brigades, dont certaines aux sigles abscons. Les flics continentaux sont repérés dès leur arrivée à l’aéroport. Comment travailler puisqu’ils ne peuvent poser un poil de basket dans le maquis ou les villages de montagne...
Toutefois, il en est de plus retors, de plus malins, qui ont pour eux le temps, la force de l’institution et l’entêtement des hommes.
L’affrontement de toutes ces factions sous le soleil de la Corse donne un excellent roman, un peu désespéré mais pas complètement, alternant descriptions de paysages, personnages bien campés, scène d’action et suspens. Il reste néanmoins un peu d’espoir dans ce tableau noir : certains Corses semblent déterminés à sortir des schémas anciens.
La préface donne quelques clefs. Après l’épilogue, le lecteur peut s’amuser à lire les fiches façons RG (la DCRI d’aujourd’hui) des protagonistes et les organigrammes abscons des forces en présence.
Alix Deniger sait de quoi il retourne. Il a longtemps travaillé en Corse. Il n’empêche que ce policier, doté d’une plume fluide, garde pas mal d’humanité sous le gilet pare-balles.

Tag(s) : #critiques
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